Opinion - 3 juin 2019
Ecrit par Bertrand Piccard 5 min de lecture
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(lire l'article original en français)
La lutte contre le changement climatique est devenue un enjeu central des élections européennes. C'est une excellente nouvelle ! Mais si la nécessité d'agir au nom de la planète est désormais largement acceptée, la véritable percée est ailleurs : le débat est désormais centré sur l'idée de créer une banque européenne du climat, quelle que soit sa forme précise. Une avancée majeure est que les économistes, les militants écologistes et les politiciens reconnaissent que le changement climatique ne peut être combattu avec des subventions ou des dépenses budgétaires incertaines ou souvent inefficaces, mais qu'il faut envisager une toute nouvelle échelle.
Car qui dit banque dit mobilisation conjointe des acteurs privés et publics ; qui dit banque dit aussi impératif de rentabilité économique pour les projets dans lesquels on investit. C'est seulement avec cette double approche que nous pourrons mobiliser les fonds nécessaires et prendre les bonnes décisions pour gagner la difficile bataille contre le réchauffement climatique.
Le secteur public doit agir comme garant des premières pertes, mettre en place les premiers financements pour convaincre le secteur privé d'adhérer et générer un puissant effet de levier. Cette approche a permis à l'éolien offshore de devenir, en deux décennies, l'une des sources d'énergie renouvelable les plus compétitives du marché. Certains mécanismes de la Banque européenne d'investissement (BEI) permettent, avec seulement 1 euro d'argent public, d'attirer plus de 70 euros d'argent privé pour financer des projets d'énergie renouvelable.
Plus important encore, le financement de la lutte contre le changement climatique ne peut pas être en opposition avec la croissance. De nombreuses solutions permettent aujourd'hui de concilier économie et écologie. La protection de l'environnement est devenue rentable. Des entrepreneurs du monde entier élaborent des solutions qui créent des emplois, favorisent une croissance qualitative plutôt que quantitative et créent des industries propres. C'est précisément ce que la Fondation Solar Impulse entend prouver à travers son portefeuille de solutions labellisées.
Mais nous devons également répéter ce message fondamental : le financement de la protection de l'environnement est une opération risquée par nature. D'abord parce qu'elle fait appel à de nouvelles technologies, des innovations qui peuvent décevoir les attentes, ensuite parce que nous ne connaissons pas toujours le degré et la vitesse de retour sur investissement.
Une banque européenne dédiée au financement de ces technologies permettrait de corriger ce risque. La BEI, qui est déjà très active dans ce domaine, est prête à se mobiliser davantage pour orienter son activité vers cette priorité en attirant d'autres investisseurs privés. Pour preuve, cette semaine à Vancouver, lors d'une réunion ministérielle sur le financement des énergies propres, la BEI - avec le soutien de la Commission européenne - et Bill Gates ont uni leurs forces pour créer un fonds d'investissement pour l'énergie en Europe. Et de nombreuses autres initiatives sont en préparation.
De nombreux militants accusent l'économie "mondialisée" d'être responsable de la dégradation des écosystèmes. Si elle a certainement sa part de responsabilité, il est également essentiel de s'appuyer sur cette économie et sur les énormes quantités de fonds qu'elle draine pour lutter contre le réchauffement climatique.
Puisque des solutions existent, mettons tous les instruments à notre disposition pour faire de l'Europe un moteur de la protection de l'environnement.
Ecrit par Bertrand Piccard le 3 juin 2019