La voiture à hydrogène - ici et maintenant, pas seulement pour le futur

En deux jours, j'ai parcouru 778 kilomètres en n'émettant rien d'autre que de la vapeur d'eau. J'ai traversé deux pays - la France et le Luxembourg - au volant d'une voiture à hydrogène, une Hyundai Nexo standard. Je l'ai fait avec un seul réservoir plein, établissant ainsi un nouveau record mondial de distance pour ce type de mobilité propre.

Par cet exploit, je veux transmettre un message clair : aujourd'hui déjà, vous pouvez vous déplacer à l'aide de l'hydrogène. En Californie, au Japon et en France, des stations-service à hydrogène sont en construction. En Allemagne, les premiers trains à hydrogène ont été mis en service l'année dernière, remplaçant les trains diesel. Des voitures, des camions et des bus fonctionnant à l'hydrogène circulent déjà sur nos routes ; et les chercheurs de la NASA étudient la possibilité de faire fonctionner un avion avec rien d'autre que de l'hydrogène.

Cependant, cette technologie a encore de nombreux détracteurs qui souhaitent que les véhicules électriques à batterie conservent le monopole de la mobilité propre. En effet, s'il ne fait guère de doute que l'électrification est le meilleur moyen de décarboniser nos modes de transport, une bataille fait rage entre les voitures électriques à batterie et celles à hydrogène.

Pour mieux comprendre tout cela, il est important de rappeler que l'hydrogène est une forme de stockage d'énergie. Les voitures à batterie et à hydrogène sont toutes deux électriques. Mais alors que dans la première l'électricité nécessaire est stockée dans une batterie, dans la seconde elle est générée à partir de l'hydrogène dans une pile à combustible.

Pour ma part, je suis convaincu que les véhicules électriques à batterie et à pile à combustible, loin d'être en concurrence, se complètent parfaitement comme moyens de transport. Tout dépend des distances à parcourir. La batterie est une solution idéale pour les trajets courts, tandis que l'hydrogène est mieux adapté aux longs trajets. En effet, l'autonomie que peut atteindre un véhicule à hydrogène est l'un de ses principaux avantages par rapport aux véhicules à batterie, comme je viens de le démontrer avec ce disque.

Un autre avantage important de cette technologie est que l'hydrogène peut se faire des amis là où les batteries se font des ennemis. En particulier, les compagnies pétrolières peuvent être impliquées dans la fabrication, le transport, la distribution et la vente d'hydrogène, alors qu'elles sont en concurrence avec le secteur des batteries. Quant aux utilisateurs des véhicules, ils apprécient la brièveté du temps de ravitaillement des véhicules à hydrogène - quelques minutes suffisent pour remplir le réservoir, comme pour les véhicules à moteur à combustion. Enfin, il est beaucoup plus facile pour les gouvernements de taxer l'hydrogène que l'électricité des batteries.

Bien sûr, l'hydrogène a encore des défis à relever pour être communément accepté sur nos routes, comme le nombre de stations de ravitaillement, le transport du gaz et le prix des véhicules. Mais de nombreuses innovations existent déjà pour résoudre ces défis. Plusieurs ont été certifiées par la Fondation Solar Impulse, qui promeut les technologies propres et rentables.

En ce qui concerne la disponibilité des stations de ravitaillement, par exemple, la société de taxis à hydrogène Hype a signé un partenariat avec le groupe Air Liquide afin que les véhicules et les stations soient mis en service en même temps. Cela permettra à Hype de ravitailler ses véhicules et à Air Liquide d'avoir des clients garantis. HySiLabs a développé une technologie qui permet de convertir l'hydrogène de l'état gazeux à l'état liquide, ce qui le rend plus facile à transporter et à stocker. De leur côté, les constructeurs automobiles investissent massivement pour minimiser le coût des véhicules à hydrogène et faciliter leur adoption par les consommateurs.

Étant donné que les innovateurs font leur part du travail, c'est maintenant aux décideurs politiques de tenir leurs promesses. Les gouvernements du monde entier ont annoncé leur intention d'investir dans l'industrie de l'hydrogène. La France et l'Allemagne ont des plans d'investissement de plusieurs centaines de millions d'euros, la Chine prévoit un million de véhicules à hydrogène sur ses routes d'ici à 2030, le Japon veut construire près de 10 000 stations d'hydrogène au cours de la prochaine décennie...

Si les gouvernements misent sur l'hydrogène, si les innovateurs développent des solutions, si les coûts d'achat et de recharge des véhicules baissent de façon spectaculaire, c'est maintenant aux consommateurs de faire leurs choix et de décider de l'issue de la bataille de la mobilité propre. Une chose est sûre : le tour du monde en avion solaire a nécessité des compétences de pilotage particulières, mais n'importe quel automobiliste peut tenter de battre mon record de distance en véhicule à hydrogène.

Bertrand Piccard, Président de la Fondation Solar Impulse