Article technique - 5 novembre 2019
Ecrit par Expert: Benjamin Demma 5 min de lecture
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Dans le classement de la production de déchets urbains, la Suisse figure parmi les pires pays du monde avec plus de 700 kg de déchets par habitant produits par an (article précédent : La politique suisse de gestion des déchets, un coup d'œil derrière les rideaux de l'un des pays les plus performants au monde). Environ 50% de ces déchets sont recyclés et le reste est incinéré, l'énergie produite est ensuite récupérée sous forme d'électricité et de chaleur.
Les déchets incinérés proviennent généralement des ménages, des bureaux, des petites entreprises, des cours et des jardins, des équipements publics et des routes. Quel est le parcours de ces matières indésirables ? Pour plus d'explications, je vais analyser la situation au Tessin, une région située dans le sud de la Suisse, en me concentrant plus particulièrement sur l'usine de valorisation énergétique des déchets située à Giubiasco (plus d'informations ici).
Selon les statistiques, les déchets urbains collectés en Suisse se composent comme suit :
Pour plus de précisions, les "déchets biogènes" désignent les déchets organiques, par exemple les matières d'origine végétale, animale ou microbienne. Ce terme comprend de nombreux types de déchets provenant de différents secteurs tels que l'agriculture, l'industrie agroalimentaire, la consommation privée et la production d'énergie. Les
"matériaux composites" sont des matériaux composés d'au moins deux matières différentes qui ne peuvent être séparées manuellement. Un exemple est le Tetra Pack (l'emballage du lait) qui se compose de carton, de plastique et d'aluminium. Selon la moyenne suisse, la valeur calorifique des déchets est d'environ 3,5 MWh par tonne.
La centrale a été conçue pour une puissance thermique de 67 MW, calculée pour traiter 140'000 tonnes de déchets par an. Elle vise à récupérer l'énergie contenue dans les déchets grâce à un système de cogénération (chaudière, turbine, générateur) qui utilise la vapeur produite par la combustion et la transforme en énergie électrique et thermique. Un flux d'air forcé est mis en combustion pour fournir la quantité d'oxygène nécessaire et maintenir la température constante. Aucun autre additif n'est ajouté pour alimenter le feu.
Quelques données :
Les fumées générées par la combustion des déchets (avec des températures supérieures à 1000°C) circulent du four à la chaudière. Les échangeurs de chaleur à l'intérieur de la chaudière récupèrent la grande chaleur contenue dans les fumées. Grâce aux échangeurs de chaleur, l'énergie thermique des fumées est transférée à l'eau d'entrée de la chaudière qui se vaporise ainsi. La chaudière peut produire environ 39 tonnes par heure de vapeur à 400 °C à une pression de 40 bars. La vapeur ainsi produite entraîne une turbine qui, couplée à un générateur, transforme l'énergie thermique en énergie électrique. L'électricité produite est injectée dans le réseau électrique (environ 100'000'000 kWh par an), ce qui correspond aux besoins annuels d'environ 23'000 familles (en considérant une consommation moyenne de 4'500 kWh/an). Une partie est également utilisée pour les besoins électriques de l'usine elle-même.
Le chauffage urbain est un système de chauffage urbain constitué d'un réseau de tuyaux, isolés et enterrés, pour la distribution de la chaleur, sous forme d'eau chaude, produite par une seule installation centrale. Cette chaleur est distribuée à des clients résidentiels, commerciaux, hospitaliers, artisanaux et industriels. La chaleur produite par la combustion des déchets (chaleur résiduelle) dans les fours de la centrale de valorisation énergétique est utilisée pour produire de l'eau chaude à 105 °C.
En tant que fluide caloporteur, l'eau chauffée est transportée de l'usine vers les différents bâtiments au moyen d'une station de pompage et d'un réseau de tuyaux en acier en circuit fermé, isolés et souterrains. Le réseau de chauffage urbain se compose de deux tuyaux côte à côte et isolés thermiquement, l'un de départ et l'autre de retour.
Une fois le bâtiment atteint, la chaleur est transférée par un échangeur de chaleur, qui remplace la chaudière, à l'installation de distribution interne. Dans l'échangeur, l'énergie thermique est transférée entre deux fluides, en s'assurant que l'eau chaude atteint le système domestique pour le chauffage et l'usage sanitaire grâce à la conduite de départ, et que l'eau froide retourne à l'installation avec la conduite de retour, pour être à nouveau chauffée. Tout cela sans changer les systèmes de distribution à l'intérieur du bâtiment.
La centrale peut desservir des installations situées à plusieurs kilomètres de distance. La longueur du couple de tuyaux de l'usine analysée, est d'environ 20 km. L'énergie thermique récupérée est suffisante pour chauffer simultanément jusqu'à 2'500 familles.
Les scories, qui sont les composants qui résistent à la combustion, sont collectées dans un extracteur en aval du four. L'incinération réduit le volume des déchets de 90 % et leur poids de 75 à 80 %, détruisant ainsi les germes pathogènes. Les scories, avant leur stockage final dans des décharges, sont triées afin d'extraire, et donc de recycler, les métaux qu'elles contiennent, avec des avantages environnementaux significatifs. Les matériaux récupérés (fer, aluminium et acier inoxydable) représentent environ 11 % de la quantité de déchets.
Nous sommes une société qui produit de plus en plus de déchets. Malheureusement, à l'heure actuelle, tous les déchets ne sont pas recyclés. Comme le montre cet exemple, les déchets qui ne sont pas recyclés peuvent également être valorisés et ce, par exemple, par le biais de la cogénération. Si, dans l'idéal, nous devrions viser à prévenir et à réduire la production de déchets pour obtenir un rendement minimal ou nul, ce n'est pas toujours possible. Il est donc essentiel de maximiser l'utilisation des déchets, d'améliorer nos stratégies de recyclage et de garantir une élimination sûre et écologique.
Ecrit par Expert: Benjamin Demma le 5 novembre 2019