Woodoo : le bois est le nouveau béton

"Si le 19ème siècle était l'âge du fer, et le 20ème l'âge du béton... Alors le 21ème siècle sera l'âge du bois dans la construction"

déclare Timothée Boitouzet, PDG de Woodoo . Architecte de profession, cet entrepreneur français a remplacé ses crayons et ses plans par une blouse de laboratoire pour concevoir un bois augmenté, qui pourrait repositionner le bois comme un élément clé des villes zéro carbone de demain.

En effet, la plupart de nos villes sont faites de béton et d'acier, deux matériaux de construction très émetteurs de carbone. Selon une étude de 2013 publiée dans le Journal of Sustainable Forestry, la production de matériaux de construction tels que l'acier et le béton génère 16 % des émissions mondiales de CO2. Et l'urbanisation rapide (68 % de la population mondiale vivra dans des villes en 2050, contre 55 % aujourd'hui) ne fera qu'amplifier ces émissions. Selon l'étude, les émissions de carbone du secteur de la construction pourraient être réduites jusqu'à 31 % et la consommation de combustibles fossiles pourrait diminuer jusqu'à 19 % en remplaçant les matériaux de construction traditionnels par le bois.

Cependant, l'utilisation du bois dans l'industrie de la construction reste un défi : il est putrescible, inflammable, il a une résistance limitée et est coûteux en raison de son prix d'entretien inhérent. Grâce à son procédé innovant, Woodoo supprime toutes ces faiblesses.

Mais quel est exactement le processus ? Il consiste à extraire la lignine du bois (une substance organique qui agit comme un liant) tout en conservant la microarchitecture du matériau. Cette molécule est ensuite remplacée par une résine végétale, synthétisée à partir de la biomasse végétale, qui se durcit dans le squelette du bois et le transforme en un matériau transcendant. Le bois augmenté devient translucide, impérissable, résistant au feu et a donc un coût d'entretien moins élevé. Le bois reste entièrement recyclable et s'inscrira même dans une dynamique d'économie circulaire car la lignine peut servir d'alternative à l'essence dans de nombreuses applications. L'énergie consommée pour la fabrication globale de Woodoo est 2 fois moins importante que celle du béton, 17 fois moins importante que celle du verre et 30 fois moins importante que celle de l'acier. Enfin, le bois étant plus léger que les matériaux de construction traditionnels, il nécessite donc moins de combustible fossile pour son transport, ce qui pourrait également participer à la réduction des émissions de carbone.

Qu'en est-il de la déforestation ? Il n'y a pas de risque, explique Timothée Boitouzet, car le procédé de Woodoo peut être appliqué à des types de bois qui sont principalement utilisés comme bois d'œuvre, ou pas utilisés du tout, tels que le charme, le tremble et le peuplier. Cela pourrait en fait représenter une énorme opportunité économique pour les pays européens qui possèdent une importante industrie du bois.

Woodoo, qui a remporté 25 prix de l'innovation en 2017, commencera à se concentrer sur l'industrie du design, de l'automobile et du luxe avant de s'appliquer à l'architecture.

La vision de Timothée sur les villes en bois de l'avenir a en fait déjà commencé : en février 2018, un constructeur japonais a dévoilé un projet de construction d'une tour de 350 m à Tokyo d'ici 2041, appelé le projet W350. Les gratte-ciels en bois ne sont plus un rêve.