Interviews - 19 décembre 2018

"Rendement financier et impact sont compatibles", entretien avec Bertrand Badré

bourse de new york
- Photo par Aditya Vyas

Ecrit par Tristan Lebleu

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Bertrand Badré connaît parfaitement le monde de la finance. Depuis près de 20 ans, il en a découvert toutes les facettes : les grandes banques, en tant que directeur financier de la Société Générale et du Crédit Agricole, mais aussi les organisations financières internationales, en tant que directeur général de la Banque mondiale et directeur financier du Groupe Banque mondiale. Bertrand Badré est également le fondateur du fonds d'investissement Blue like an Orange Sustainable Capital. Son livre "Can finance save the world", préfacé par Emmanuel Macron et Gordon Brown, est un ouvrage de référence sur la finance durable.

Dans votre dernier livre, vous posez clairement la question "La finance peut-elle sauver le monde ? Pensez-vous que la finance puisse vraiment devenir un outil au service du bien commun ?

Aujourd'hui, dire que la finance peut sauver le monde provoque au mieux l'étonnement et au pire la colère. Cette notion est contre-intuitive. Pourtant, depuis plusieurs années, les grandes réunions internationales sur le changement climatique à Paris et sur le développement durable à New York ont montré que nous voulons engager la planète dans une nouvelle forme d'économie. La question posée était : "Dans quel monde voulons-nous vivre ? La réponse a été très claire : nous voulons vivre dans un monde plus durable, où les inégalités sont réduites, où il y a moins de pauvreté, où les gens ont accès à l'eau, à la santé... Le vrai problème est que nous ne nous sommes pas posé la question essentielle de savoir comment nous allons financer ces engagements. Des chiffres très ambitieux, en "trillions", ont été faits. Mais nous n'avons pas encore résolu la question d'un point de vue technique.

Quelles sont vos recommandations pour atteindre cet objectif ?

Plusieurs pistes existent. Certains ont une vision très brutale de la transformation du capitalisme, et pensent que la révolution doit être faite dans le premier sens du terme. Ce n'est pas la voie que je recommande. Je pense que l'économie de marché reste un bon outil pour l'allocation des ressources, mais il faut la superviser. L'économie de marché répond principalement à deux stimuli principaux : d'une part, la réglementation à laquelle elle est soumise. D'autre part, les attentes des clients. Je pense donc que pour avoir une finance qui sert le bien commun, nous devons définir les bonnes règles et encourager les clients à faire le bon choix. Si nous pouvons faire cela, l'économie de marché ira au bon endroit.

Les règles n'ont-elles pas changé pendant la crise financière de 2008 ?

Beaucoup de gens disent parfois "ne gaspillez pas une bonne crise". Je me demande si nous n'avons pas gaspillé la crise financière de 2008. Il est certain que nous avons réussi à éviter l'effondrement complet du système financier, contrairement à ce qui s'est passé dans les années 1930. Mais nous n'avons pas profité de ce moment pour réorienter la finance vers une forme de financement plus durable, plus responsable, plus transparente et plus simple.

Selon vous, que faut-il changer exactement pour réorienter la finance ?

Nous continuons à nous concentrer sur le court terme plutôt que sur le long terme. Prenons l'exemple de la comptabilité. Aujourd'hui, elle valorise la valeur du marché et donc, d'une certaine manière, une approche liquidative des choses. Les régimes prudentiels, comme Solvabilité II, sont également des régimes qui protègent la stabilité financière à court terme. Nous n'avons pas pensé au système de manière holistique. Si nous voulons que la finance du 21e siècle soit une finance au service des défis à long terme, elle doit se refléter dans nos règles comptables, nos rapports, nos normes d'audit, nos notations, etc....

Nous devons confirmer que la finance dite "verte" n'est pas une poche séparée du système. Nous devons passer d'un système où la finance durable est l'exception à un système où elle est la norme. Chacun doit progressivement intégrer que tout investissement, tout outil financier, toute pratique financière, vise à la durabilité. Nous devons changer de paradigme, donc changer les mentalités et changer les règles.

Pouvez-vous nous présenter Blue Like An Orange Sustainable Capital ?

L'objectif de Blue Like An Orange Sustainable Capital est de combiner la performance financière avec un impact positif et mesurable. Et de le faire à une certaine échelle. Nous ne voulons pas créer un nouvel acteur de niche, mais plutôt offrir aux investisseurs institutionnels - fonds de pension, assureurs, fonds souverains - un produit qui leur permette de remplir leurs obligations fiduciaires. L'une des difficultés de la finance d'impact est qu'elle est souvent perçue comme moins rémunératrice. Et cela crée une certaine nervosité chez les investisseurs. Grâce à cette société, nous montrons qu'il est possible d'avoir un rendement financier important tout en ayant un impact. Ces deux concepts ne sont pas incompatibles. Au contraire, au fil du temps, nous avons montré qu'elles sont très compatibles. Si nous pouvons opérer ce changement, alors la transition vers une économie durable est probablement l'un des marchés qui offre le plus d'opportunités économiques.

Ecrit par Tristan Lebleu le 19 décembre 2018

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