Actualités - 21 novembre 2024
Ecrit par Bertrand Piccard
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La deuxième semaine de la COP29 s'ouvre à Bakou, avec la finance climatique toujours au centre de l'attention. Mais aujourd'hui encore, on parle surtout de compensation, de réparations des pays du Nord vers les pays du Sud, principales victimes du changement climatique auquel leurs frugales émissions de CO2 n'ont presque pas contribué.
Pourtant, la multitude de solutions propres et rentables, ainsi que le coût de l'inaction, permettent également de considérer la finance climatique comme un investissement rentable, tant au Nord qu'au Sud. C'est notamment le cas de la transition énergétique, qui est au cœur du nouveau mode de fonctionnement de nos sociétés pour qu'elles soient durables.
Transition vers quoi ? Bien sûr, vers un modèle où les énergies fossiles sont remplacées (et le plus rapidement possible) par des énergies renouvelables. Mais regardons les tendances, tant au niveau de la population mondiale que du développement socio-économique. Il serait illusoire de penser que le monde d'aujourd'hui, et plus encore celui de demain, puisse fonctionner avec les seules énergies renouvelables, si nous continuons à gaspiller les deux tiers de l'énergie produite comme nous le faisons actuellement.
C'est là que l'efficacité entre en jeu.
Le gaspillage honteux de nos modes de production et de consommation explique en grande partie le gâchis environnemental dans lequel nous nous trouvons. Mais outre le CO2 émis, cette situation entraîne également des pertes financières considérables : 4,6 trillions de dollars par an !
La précédente COP de Dubaï a commencé à placer l'efficacité énergétique plus haut dans l'agenda du débat climatique, mais le chemin est encore long avant qu'elle ne devienne une réalité, secteur par secteur, PME par PME, bâtiment par bâtiment. Car pour atteindre l'efficacité énergétique, le problème n'est pas l'offre de solutions efficaces - car il y en a des centaines dans tous les domaines - mais la demande. Très souvent, ces appareils sont plus chers à l'achat que leurs équivalents polluants, alors qu'ils sont beaucoup plus rentables à long terme.
Alors comment rendre cette offre plus attractive ? En changeant la façon dont les solutions sont commercialisées. Les entreprises peuvent passer de la vente de produits à la vente de résultats (kilomètres parcourus dans des bus électriques au lieu des bus eux-mêmes, lumière au lieu d'ampoules, rendement à l'hectare au lieu de tonnes d'engrais). L'utilisateur final paie pour le service sans acheter le bien, tandis que le fournisseur conserve l'actif. Ce modèle de "servitisation" présente un grand potentiel pour accélérer le déploiement de solutions efficaces qui, malgré un coût initial élevé, offrent un coût total de possession plus faible grâce à des dépenses d'exploitation réduites.
Quels sont les avantages de ce changement de paradigme ? Pour l'adoptant, c'est une incitation majeure, car l'investissement initial disparaît. Pour le fournisseur de solutions, l'intérêt n'est plus de vendre la plus grande quantité de produits, mais la meilleure qualité possible. Plus le produit est fiable, plus la marge bénéficiaire est élevée. C'est la fin de l'obsolescence programmée !
Ce modèle représente une nouvelle forme d'économie, que j'appelle "l'économie qualitative". Pour se développer, il nécessite l'arrivée d'un troisième acteur capable d'assumer l'investissement initial.
C'est l'objet de l'Initiative pour l'efficacité énergétique lancée à Bakou par la Fondation Solar Impulse, la Banque européenne d'investissement et la Commission européenne. En combinant investissements publics, garanties et capitaux privés, elle renforcera le déploiement de solutions efficaces pour les PME, notamment par le biais de la servitisation.
L'innovation n'est pas seulement technologique, elle doit aussi être financière. Elle permettra à l'action climatique de fédérer tous les acteurs en prouvant sa rentabilité économique.
Lu en premier dans Le Temps,La Tribune, Forum Nachhaltig Wirtschaften, La Repubblica, et EFE Verde.
Ecrit par Bertrand Piccard le 21 novembre 2024